Bienvenue sur Cafelista.com: le site de référence sur le café fondé par Colin Bosc. Avec une équipe d’expert et professionnel du café, nous avons une mission : vous aider à faire le meilleur café possible.
Vous avez sans doute déjà lu sur le café-web le terme de “3ème vague” du café sans forcément y faire attention. Mais qu’est ce que c’est réellement cette vague ? Quelles sont les précédentes ?
Même s’il faut admettre qu’aujourd’hui le terme est bien moins utilisé que dans les années 2010 au profit du terme “de spécialité”, il reste une notion importante de l’histoire de la consommation du café dans le monde à travers sa culture anglo-saxonne.
Évidemment, on ne peut réduire l’histoire du café et de ses modes de consommation à travers le monde et les époques à 3 simples périodes finalement plutôt rapprochées. Ces périodes décrivent avant tout des modes de consommation typiques des Pays anglo-saxons, principalement les USA.
Pour résumer rapidement :
- La première vague c’est la démocratisation du café en tant que produit de consommation de masse.
- La deuxième vague c’est la démocratisation de la notion d’origine et des coffee-shops.
- La troisième vague c’est la démocratisation de la notion de terroir, de spécialité et l’avènement des méthodes douces.
Allons cependant un peu plus loin dans les origines de chacune de ces vagues et leurs répercussions sur les habitudes de production et de consommation.
La première vague
On situe le début approximatif de la première vague de consommation de masse du café au XIXème siècle avec l’apparition du café disponible moulu et torréfié.
Ici l’intérêt est le café en tant que tel.
Il est chaud, il est rapide et il réveille.
Et on ne lui en demande pas plus.
Le café est préparé en cafetière siphon, italienne, en filtre coton ou bien simplement moulu fin et mélangé à de l’eau sans forme de filtration.
La deuxième vague
Elle commence dans les années 1970 avec l’apparition de deux éléments :
- La première cafetière filtre automatique, la Mr Coffee en 1972
- Le début de Starbucks et consorts en 1971
La consommation se fait donc d’une part au sein du foyer, en grandes cafetières à partager dans le foyer ou en café instantané, soit pendant la journée, dans les enseignes spécialisées dans les boissons à base d’espresso, majoritairement à emporter. Bliend test
C’est dans cette période que les consommateurs prennent conscience des différences entre les différentes origines, qui deviennent des arguments de ventes.
La Troisième vague
Les premières utilisations du terme remontent au début des années 2000.
Cependant, dans le type de consommation, on voit l’explosion de l’utilisation du terme pour désigner notamment la période qui commence en 2002 avec la création de Blue Bottle puis en 2004 avec la victoire aux championnats du monde de Tim Wendelboe, amenant sur la scène des torréfactions moins poussées et un intérêt accru sur le terroir.
Au niveau des qualités recherchées, on s’intéresse maintenant à la traçabilité, au terroir, jusqu’au nom de la ferme et du fermier.
On s’intéresse aux processus de transformation et de transport, on allège les torréfactions afin de rendre au mieux compte du terroir au travers de la boisson.
Au niveau de la consommation, c’est la renaissance des méthodes douces manuelles. Le consommateur s’investit dans le produit et dans sa préparation.
En effet, la commercialisation du V60 en 2004 et de l’Aeropress en 2005 redonnent leurs lettres de noblesse aux méthodes manuelles qui avaient été abandonnées au profit des cafetières automatiques.
Une 4ème vague ?
Alors c’est vrai, si on passe un peu de temps sur les réseaux sociaux, on va vite tomber sur des établissements se réclamant de la 4eme vague voir de la 5eme…
Je n’ai trouvé aucun élément précis attestant d’une 4ème vague, et encore moins d’une 5ème.
Je vais donc vous inviter à considérer de telles notions comme des arguments marketings uniquement.
Le plus proche d’un argument convaincant est celui de l’augmentation significative de la consommation de boissons froides à base de café (aux USA) qui remplacent les traditionnels sodas.
La plupart des autres arguments nous parlent de culture et d’origine, de science de l’extraction…
Sauf que ce qu’on appelle les vagues sont -et j’insiste- des habitudes de consommation (principalement américaines).
Et ces habitudes n’ont globalement pas énormément évolué depuis la 3ème vague.
Ce qui est sûr cependant, c’est que la 3eme vague mûrit son propos, ses méthodes et ses produits année après année. Mais il appartient encore au futur de nous faire vivre un changement si radical et massif dans la consommation du café qu’il mériterait l’appellation de “vague”.
Et en France ?
Cependant, si on regarde derrière notre épaule sur notre continent et plus précisément en France, on se rend vite compte que ces 3 vagues ne correspondent à pas grand-chose de par chez nous.
Typiquement, l’influence des chaînes est bien moindre chez nous. Rares sont les gens qui ramènent du café au bureau pour les collègues venant du café d’en bas de l’immeuble car ça n’existe simplement pas chez nous.
Cependant si on doit définir 3 vagues françaises de changements de consommations du café en France, on retombe inévitablement sur les mêmes dates. Les changements culturels post-seconde guerre se font de concert dans le monde occidental mondialisé, mais curieusement pas toujours pour les mêmes raisons.
Je ne suis pas histoire ni sociologue, mais à travers mes recherches (et après avoir croisé mes sources avec les souvenirs de deux générations de buveurs de café avant moi), voici ce que je peux vous proposer comme interprétation des 3 vagues du café en France :
Première vague
1945 : L’influence américaine renforce la culture du café filtre à la maison. La cafetière filtre automatique devient petit à petit un standard dans les foyers.
Mais la proximité de la France avec l’Italie conserve notre goût pour l’espresso, que nous rapprochons du filtre, avec des recettes très longues comparées aux ristrettos italiens.
L’espresso lungo sur le comptoir en zinc, c’est la culture ouvrière Française florissante dans un pays en reconstruction. Les patrons des nombreux cafés de quartiers font la majorité de leurs chiffre d’affaires avant 8h du matin avec les cafés… et les “pousse cafés”.
C’est à cette période qu’on commence à voir arriver les torréfacteurs industriels, le café moulu devient facilement accessible ainsi que le café soluble, qui a été développé pendant la guerre.
Deuxième vague
Dans les années 70, c’est le développement de la classe moyenne et des boulots de bureau type COGIP.
De concours avec un marché immobilier favorable, toute cette nouvelle classe s’installe dans les banlieues dortoir pavillonnaires.
Ces villes ne comptent que très peu de commerces, et souvent uniquement des établissements de nécessités comme tabac, boulangerie, pharmacie et supermarchés. Les rares cafés n’étant que des vestiges d’avant ce développement urbain massif et toujours majoritairement fréquentés par la classe ouvrière devenue minoritaire.
Pour cette classe de travailleurs, plus question de faire une pause au café entre la maison et le travail : Le premier café, filtre, se prend en famille à la maison et les suivants se feront au travail, grâce aux distributeurs automatiques.
La pause café au travail devient un mécanisme de socialisation si important qu’une série humoristique lui sera dédiée en 2001 “Caméra Café”.
A cette période, aller au café devient une activité plus bourgeoise, plus lente. Là où avant les classes supérieures recevaient chez eux pour le café étant donné qu’ils étaient d’ailleurs les seuls à pouvoir se payer une machine espresso domestique, il est dorénavant question d’aller au café pour réfléchir, écrire, travailler, bref, être vu.
On y va pour rester, parfois accompagné, pendant des heures plus ou moins productives.
Troisième vague
Cette période et ces habitudes continueront sans trop de mouvement jusqu’en 2005 avec l’arrivée sur le marché du futur géant Nespresso.
Nespresso arrive avec deux armes redoutables :
La promesse de l’élégance et du luxe via la consommation d’un produit fin.
La campagne de marketing massive veut montrer que l’espresso est une boisson complexe et intense avec une infinité de variantes, un produit haut de gamme, de dégustation,qui peut dorénavant se consommer seule, à la maison.
Le modèle économique des imprimantes.
En effet, les prix d’achats des machines sont ridiculement bas, ce qui permet de rapidement couvrir le parc des cafetières domestiques. Tout le monde offre une cafetière à son père, son oncle, ses grands parents etc…
Les cafetières, pour atteindre ces prix si bas qu’il sont considérés comme des “cadeaux” sont fabriquées avec des matériaux et composants de mauvaise qualité, ce qui provoque des pannes rapidement après quelques mois d’utilisation plus ou moins intensives dans des conditions imparfaites. Ces cafetières n’utilisent pas de filtre à eau. Elles s’encrassent et donc cassent, assez vite.
Et quand la machine tombe en panne, il revient bien moins cher d’en acheter une neuve plutôt que de réparer l’ancienne. En plus ça tombe bien, il en sort 3 modèles différents par an, toujours plus compact ou design, il y en a pour tous les goûts !
Tout ce beau monde a donc besoin d’acheter des capsules qui sont elles, hors de prix et produites uniquement par la marque. Les tentatives de fabricants indépendants de répliquer sur le marché des capsules ne donnent que des capsules qui fonctionnent mal avec les cafetières et sont donc boudées par les consommateurs.
Autant dire que cette agressivité enfonce le clou dans le cercueil des petits cafés de quartier.
Et dans le même temps commence à se développer une contre culture du café outre manche comme expliqué plus haut.
C’est en 2005 aussi que le café de spécialité arrive chez nous avec l’ouverture de la Caféothèque à Paris. Ce vivier de passionnés engendrera directement ou non la plupart des grands noms du café de spécialité Français aujourd’hui.
Cependant chez nous, ces méthodes et habitudes de consommation resteront drastiquement minoritaires.
Et aujourd’hui ?
Les choses ont aujourd’hui peu changé. La majeure partie des gens consomment de l’espresso chez eux, via Nespresso ou des machines à grain automatiques puis d’autres cafés au travail en salle de pause.
Les cafés restent des établissements de socialisation plus ou moins bourgeois au même titre que les salons de thé. On y va toujours pour rester longtemps en consommant peu mais cher.
Et vous, qu’en pensez vous ? Y a-t-il d’autres événements ou changements de consommation que vous trouvez importants ? Posez la questions à vos parents ou grands-parents s’ils ont vécu ces changements !