Bienvenue sur Cafelista.com: le site de référence sur le café fondé par Colin Bosc. Avec une équipe d’expert et professionnel du café, nous avons une mission : vous aider à faire le meilleur café possible.
Problématique centrale de la préparation de café et tout particulièrement de l’espresso, vous en avez forcément entendu parler si vous vous intéressez au café. Très souvent simplifié à l’extrême et diabolisé, jetons un œil à ce phénomène clé de la percolation.
Commençons par le commencement :
Le Channeling, c’est quoi ?
Le channeling (ou création de canaux en français) désigne un phénomène de déséquilibre de cheminement de l’eau à travers le lit de café. C’est donc une problématique uniquement liée aux préparations par percolation.
En effet, l’eau est une grosse flemmarde qui prendra toujours le chemin opposant le moins de résistance.
Prenons l’exemple de l’espresso : Si vous n’avez pas tassé votre galette parfaitement droite, il y aura un bord plus fin que l’autre, qui oppose donc moins de résistance au passage de l’eau.
L’eau va donc majoritairement s’engouffrer par ce chemin et créer un canal. Les conséquences sont simples : Une sur-extraction de la zone du canal et une sous-extraction des zones les plus éloignées résultant en une tasse de café ayant les deux marqueurs de défauts.
Voilà donc l’importance de préparer une galette ou un lit de café le plus homogène possible.
Cette préparation s’appelle en anglais la “puck-prep”, et c’est un sujet brûlant depuis quelques années.
Car n’oublions pas que le café est par nature hétérogène. Une mouture de café comporte une infinité de tailles et formes de particules de mouture différentes qui ont toutes leurs utilités.
L’objectif n’est donc pas d’éliminer le channeling qui est en soi inévitable, mais bien de le maîtriser pour le rendre prévisible et/ou négligeable.
Comment maîtriser le channeling ?
On parle donc de maîtrise du Channeling.
Les baristas ont développé plusieurs outils et techniques afin de maîtriser leurs extractions :
Avec des outils
Tampers
Le premier outil et le plus commun, c’est bien entendu le tamper. Utilisé depuis longtemps en espresso, il permet de tasser le lit de café en galette compacte et donc de renforcer la structure générale du lit d’infusion.
Il y a cependant plusieurs problématiques à cet outils, qui n’est aujourd’hui plus suffisant pour effectuer une préparation de galette parfaite :
- La forme de la base : En effet, la base du tamper se doit d’être parfaitement plate. car un tamper convexe ou strié créera une surface non-homogène, et on comprend facilement en quoi cela nous amène à de la création de canal…
- La consolidation de canaux existants : En effet, tasser ne suffit pas à éliminer certains canaux pré-existants. Il va simplement les consolider et les rendre invisibles à l’œil nu.
- La marge d’erreur : Tasser parfaitement droit et maîtriser la force qu’on y met sans se faire mal à l’épaule, au coude… Ça s’apprend ! Un tassage légèrement penché crée de-facto un canal.
Ce problème peut être évité avec des tampers mécaniques guidés ou des machines comme le Puq Press mais cela reste peu accessible autant pour les particuliers que les pros.
Niveleurs
On les retrouve dans beaucoup de cafés depuis leur invention et commercialisation par Sasa Sestic en 2015.
Leur deux intérêts sont les suivants :
- Distribution homogène de la surface, et uniquement la surface, de votre galette
- Pré-tassage, ce qui permets de démarrer son tassage parfaitement droit
En dehors de ces deux légers avantages, son usage en café professionnel est maintenant largement contesté, car l’impact est finalement assez faible sur la structure générale de la galette.
Fouets
Popularisés en 2005 par John Weiss, les “fouets” (ou Weiss Distribution Tool “WDT”) permettent d’éliminer les grumeaux de mouture qui provoquent des zones de haute densité (et donc des canaux autour d’eux), et de proposer une mouture répartie dans le filtre de manière homogène, qui, une fois tassée sera moins propice aux créations de canaux.
Hérissons
Moins populaires car difficiles à se procurer, les hérissons ont pour objectif de pré-créer des canaux.
Contre-intuitif ? Certes. Mais pas sans logique.
Si on part du principe que la création de canaux est inévitable, au moins au niveau microscopique, alors autant prendre le problème à bras le corps et créer nous même ces canaux mais avec une profondeur et un espacement maîtrisé et calculé.
On utilise un hérisson juste avant de tasser le café. On obtient une galette qui reste parfaitement cylindrique mais l’empreinte (zones de plus faible densité) des pics du hérisson persiste et force l’eau à les emprunter.
Ainsi, l’eau passe par des canaux, mais de manière homogène et répétable, ce qui est exactement ce que l’on veut.
Cet outil couplé avec un fouet, un tamper mécanique et de bonnes techniques de Barista permet en théorie le meilleur contrôle des canaux possible à ce jour.
Avec des techniques
“Tap tap” ou distribution manuelle
La distribution manuelle, c’est le geste de tapoter le porte filtre afin de distribuer la mouture de manière plate et homogène avant le tassage.
Cette technique permet une bonne distribution de la mouture en profondeur dans le filtre, mais est plus efficace après l’intervention du fouet.
C’est après avoir effectué cette technique qu’on utilise un hérisson.
Pré-infusion
La pré-infusion est probablement une pratique que vous connaissez si vous faites des cafés filtres.
Cela consiste à ajouter un peu d’eau (généralement entre 2 et 3 fois le poids de la mouture en eau) dans la mouture avant de réellement commencer l’extraction afin de saturer la dite mouture en liquide.
Un des nombreux avantages de ce processus est de réduire considérablement le channeling lorsqu’il est proprement effectué. En effet, une fois notre mouture complètement saturée, elle se comporte de manière plus homogène pendant l’extraction.
Cependant, lorsqu’on désire appliquer cette méthode sur de l’espresso, il y a souvent un hic :
La pression
En effet, la pression appliquée sur une galette augmente le channeling, en forçant l’eau à passer par les chemins opposants le moins de résistance.
C’est pourquoi en espresso, la pré-infusion doit être effectuée à 2 bars maximum afin d’être efficace.
Il vous faudra donc une machine à levier, typiquement une machine équipée d’un groupe type E61 afin de pouvoir travailler vos pré-infusions. Une machine à pompe électrique n’offre généralement qu’une pression constante aux alentours des 9 bars.
Mais si vous en être équipé, alors voici comment appliquer cette technique :
- Activez votre levier sans pression jusqu’à ce que la première goutte de café sorte.
- Stoppez l’eau pendant 10 secondes.
- Finissez votre extraction normalement.
Appliquer une pré-infusion à plein d’autres avantages. Comme elle limite le channeling, elle vous permet de produire des espressos plus concentrés en flaveurs et en sucre sans dégager de défauts gustatifs.
Comment détecter le channeling ?
Visuellement, sur la galette
Une fois l’espresso terminé ou le filtre fini, juste en regardant le lit du marc, on peut détecter un channelling.
Si le lit d’un filtre n’est pas parfaitement droit à la fin de l’extraction, alors l’écoulement ne s’est pas fait de manière homogène. Pour palier à ce problème, il suffit de mélanger et “secouer” le café pendant sa préparation, c’est ce qu’on appelle un Rao Spin. Plus de techniques pour préparez vos filtres dans cet article sur le V60 1
Pour l’espresso, si la galette n’est pas droite, même problème. Il faut faire plus attention à tasser le plus droit possible, sans trop mettre de force.
Si on observe un trou dans la galette, c’est aussi un signe. Cette fois, cela viendra plus de votre mouture qui a sans doute été mal distribuée au sein de la galette ou bien qu’elle contenait de gros grumeaux. L’utilisation d’un fouet règle généralement ce problème.
Attention cependant. Certaines machines ont un système de “backflush” qui aspire l’eau restant à la surface de la galette à la fin de l’infusion, cela peut cacher visuellement des défauts qui étaient pourtant présents pendant l’extraction.
Visuellement, pendant que le café coule
Si vous utilisez un porte filtre avec un ou plusieurs becs, regardez votre café couler. Il est censé commencer à couler doucement, et le flot de liquide revient légèrement en arrière de la direction du bec. C’est ce que l’on appelle la “queue de rat”.
Le reste de l’extraction doit le dérouler de manière fluide, sans à-coups. Si le flot est perturbé ou qu’il fait beaucoup de bulles, c’est sans doute que votre mouture n’est pas assez fine ou pas assez bien distribuée. Elle ne peut donc pas opposer de force homogène à l’écoulement de l’eau, qui fait donc n’importe quoi à la sortie.
C’est d’autant plus visible si on utilise un porte filtre sans fond dit “bottomless”. Le café doit commencer à s’extraire de manière lente et homogène autour du filtre, il doit s’écouler de manière fluide et sans à-coups en son centre. Si ce n’est pas le cas, c’est le meilleur signe visuel de channelling.
Au goût
Un café qui présente à la fois des défauts gustatifs de sous-extraction et de sur-extraction à très probablement subi un channeling pendant sa préparation. Attention cependant car certains défauts de sous extraction peuvent ressembler à de la sur-extraction, je vous renvoie sur mes articles sur le sujet pour en savoir plus. 2 3
Il est bon de noter en conclusion que la maîtrise du channeling est encore en développement et que la communauté internationale expérimente encore dessus. Il existera toujours des micro-facteurs induisant du channeling. Les techniques et outils cités sont donc susceptibles d’évoluer dans leurs pratiques au gré de nos connaissances.
Et voilà, vous avez maintenant tout le savoir nécessaire pour améliorer votre café au quotidien. Si votre café coule de manière chaotique, vous savez maintenant d’où ça vient et comment régler le problème.